« Et, goutte à goutte, avec le soin minutieux d’un lapidaire comptant des perles, le curé de Graveson me versa deux doigts d’une liqueur verte, dorée, chaude, étincelante, exquise… J’en eus l’estomac tout ensoleillé.C’est l’élixir du Père Gaucher, la joie et la santé de notre Provence […] N’est-ce pas que cela vaut bien toutes les chartreuses du monde ? »

Alphonse Daudet

C’est en ces mots qu’en 1866, dans ses fameuses Lettres de mon moulin, Alphonse Daudet décrivit la liqueur Frigolet. Et ils la définissent à la perfection, tant elle incarne fidèlement la Provence.

Frigolet tire son nom du provençal ferigoulo, qui désigne le thym. Il est donc fort aisé de déduire que l’herbe aromatique typiquement méridionale entre dans la composition de la liqueur. Quelques 30 autres plantes et épices, rigoureusement sélectionnées et savamment dosées, complètent la recette. Mais cette dernière est tenue secrète depuis presque deux siècles. De quoi  entretenir le mystère autour de l’intriguant élixir …

Les plantes

Châteaurenard se niche entre deux massifs montagneux. À l’est, la Montagnette, massif calcaire à la végétation typiquement provençale, sur laquelle s’érige l’abbaye Saint-Michel-de-Frigolet. Cette petite colline, frontière naturelle entre Rhône et Durance, est recouverte d’une flore méridionale composée de thym, de sarriette et de romarin. Au sud, le massif des Alpilles, qui abrite plus de 550 variétés de plantes : thym et romarin en abondance, lavande aspic, fenouil et genets scorpions, abrités par les chênes kermès et les pins d’Alep. 

Les plantes poussant au milieu de la rocaille provençale sont particulièrement aromatiques : la pénurie d’eau et la sécheresse rémanente propre à la région encouragent la flore à produire de grandes quantités d’huile essentielle. La qualité aromatique des plantes de Provence est donc incomparable. Rien d’étonnant alors à ce que les moines aient exploité ces deux réservoirs naturels de plantes pour élaborer leurs élixirs.    

Toutefois, pour garantir une qualité irréprochable et homogène à la liqueur, les distillateurs successifs de l’Elixir ont décidé de s’approvisionner auprès de spécialistes : tout d’abord le marché aux herbes de Châteaurenard, puis le Laboratoire d’Herboristerie Générale de Marseille (LHG). L’établissement propose depuis l’origine des matières premières d’exception, évaluant au cas par cas les besoins de chaque client. Tout naturellement, la distillerie Frigolet s’est tournée vers le LHG pour se procurer les plantes nécessaires à la fabrication de sa liqueur.

Les épices

Il se dit que la liqueur Frigolet serait également élaborée à partir d’épices, parmi lesquelles la cannelle, la noix de muscade et le clou de girofle. Rien n’est moins sûr. On peut néanmoins affirmer que la région de Châteaurenard avait, à l’époque de la création du breuvage, accès à ces ressources, la ville se dressant sur la route des épices.

En effet, par un édit de de 1540 promulgué par François 1er, les épices étaient essentiellement transportées par voies fluviales et maritimes. Ainsi, le port du Lacydon à Marseille était l’une des premières portes d’entrée aux épices d’orient. Les denrées transitaient jusqu’à Lyon par la vallée du Rhône. L’histoire pourrait donc confirmer la présence d’épices orientales dans l’énigmatique breuvage.

Le miel

La flore naturelle de Provence et l’activité arboricole séculaire ont contribué au développement de l’apiculture dans la région. Ainsi les moines de Frigolet, comme tous les habitants du comté, consommaient du miel. Nectar aux mille vertus, il était l’ingrédient incontournable de nombreuses potions moniales. Aussi il fut tout naturellement inclus dans la recette du Frigolet, sous la forme d’un voluptueux sirop. Mais là encore, le mystère plane, car on ne sait exactement quel type de miel prévaut dans l’élaboration de l’élixir. Les rumeurs laissent envisager une combinaison harmonieuse de miels de thym, de romarin, de lavande et de fleurs de garrigue…

La bouteille

 « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », affirmait Alfred de Musset. Force est de constater qu’à la distillerie Frigolet, on ne l’entend pas de cette oreille !

Créée par Joseph Isoard, le fondateur de la distillerie, l’élégante bouteille incarne bien l’identité du Frigolet :

  • le respect d’un précieux héritage, la forme distincte de la bouteille étant un hommage à la silhouette des clochers de l’abbaye de Saint-Michel ;
  • la rigueur qu’impose la fabrication du Frigolet, parfaitement incarnée par la ligne carrée du flacon, originellement façonné dans des moules en bois ;
  • l’authenticité de l’élixir, célébrée par le design épuré de son contenant.

Chaque bouteille est marquée d’une croix pattée, hommage aux pères blancs, mais aussi symbole de l’équilibre en esprit (la piété) et matière (l’alchimie végétale à l’origine de l’élixir).  Elle est marquée de 4 lettres : J, M et J, en hommage à la Sainte-Famille et N, allusion à Saint-Norbert de Xanten, père fondateur de l’ordre des chanoines réguliers de Prémontré.  

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